Rendu des valeurs des images noir et blanc
Influence de l’image secondaire des négatifs traités au pyrogallol lors du tirage sur papier à grade variable

1-Introduction
2-Historique de l’utilisation du pyrogallol
3-Théorie
4-Expérimentations
5-Conclusions
6-Formulaire
7-Bibliographie
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2-HISTORIQUE DE L'UTILISATION DU PYROGALLOL

Acide gallique

L’acide gallique, qui provient de la fermentation des tannins par la chaleur, est le premier développateur employé par les pionniers de la photographie utilisant le Calotype. En effet, en 1839, Fox Talbot trempait le papier sensibilisé dans un mélange d’acide gallique et de nitrate d’argent avant la prise de vue puis l’exposait encore humide et le retrempait dans la même solution afin de faire apparaître l’image. Il s’agit alors d’un développement physique. L’acide gallique, tel qu’il est utilisé à l’époque, fournit un révélateur extrêmement faible. Il est cependant utilisé, jusque dans les années 1850, par bon nombre de photographes qui préfèrent le Calotype au Daguerréotype pour son coût moindre et la possibilité de reproduction de l’image qu’il permet. En 1850 par exemple, Gustave Legray recommande d’utiliser, afin de développer ses plaques, « un grand flacon d’eau distillée saturée d’acide gallique, avec excès d’acide », puis de recouvrir l’image avec la solution et d’arrêter « quand l’image est bien vigoureuse » ; on peut « continuer tant que le dos de l’image ne commence pas à se tacher » (1). On connaît alors déjà les problèmes dus à l’oxydation excessive de ce type de développateur.

Obtention du pyrogallol

L’acide pyrogallique (2), d’abord étudié par Jons Jacob Berzélius et Henry Braconnot, est en 1834 l’objet des recherches de Théophile-Jules Pelouze. En décrivant ses remarquables propriétés, ce dernier fait connaître les lois qui président à sa formation. D’après lui, l’acide gallique chauffé au bain d’huile vers 210°C se dédouble complètement en acide carbonique (appelé dioxyde de carbone de nos jours) et en acide pyrogallique. Selon la formule théorique d’alors : C14H6O10 --> 2CO2 + C12H6O6 (3), 100 parties d’acide gallique doivent donner 74,1 parties d’acide pyrogallique. Or, en pratique, on n’obtient à l’époque que 25% du poids en acide pyrogallique de l’acide gallique employé. En 1843, John Stenhouse met au point la sublimation de l’acide gallique dans des corps en carton ; le rendement n’est pas supérieur à la méthode de Théophile-Jules Pelouze. En 1847, Justus von Liebig propose de sublimer l’acide gallique accompagné du double de son poids en pierre ponce dans un courant d’acide carbonique. Le rendement obtenu est de 31 à 32%.

 

Les premiers emplois du pyrogallol

Une grande partie de la littérature photographique anglo-saxonne attribue la première utilisation du pyrogallol en tant que développateur à Frederick Scott Archer. Il est exact qu’Archer développe les plaques au collodion humide qu’il met au point en 1850-51 à l’aide du pyrogallol. Mais c’est à la suite des travaux de Justus von Liebig, Michel Eugène Chevreul et Victor Régnault, et aux instructions strictes de ce dernier, que Hippolyte Bayard est l’un des premiers à utiliser le pyrogallol afin de développer des images (4). En effet, grâce aux travaux de Victor Régnault, grand chimiste et physicien de l’époque, qui devient en 1855 le premier président de la S.F.P. , le pyrogallol a reçu de nombreuses et utiles applications dans la photographie ainsi que dans l’analyse de l’air des laboratoires et la coloration des cheveux.
L’emploi du pyrogallol ne s’est pas immédiatement généralisé. En effet, lors de la mission héliographique en 1851, Edouard Baldus a utilisé une solution d’acide gallique saturée pouvant se renforcer par l’ajout « d’une parcelle d’acide pyrogallique et d’acétate d’ammoniaque ». Ce renforcement est « à user avec réserve car souvent on y perd l’image à cause d’un contraste trop fort ». « Une bonne épreuve doit pouvoir se terminer dans l’acide gallique seul » (5). En Angleterre en 1855, William Crookes utilise encore l’acide gallique dissout dans l’alcool plutôt que dans l’eau, afin d’obtenir une meilleure conservation du révélateur. Dans le journal de la société photographique de Londres de Juin 1855, Newton préconise l’emploi de 10 grains d’acide gallique pour 10 onces d’eau (6) ; Sutton préfère également l’acide gallique.

 

Les innovations techniques

Ainsi, en 1855, l’acide gallique et le pyrogallol semblent être indifféremment employés. J.M. Taupenot trouve les clichés obtenus à l’acide gallique plus doux et moins tachés que ceux obtenus au pyrogallol. Cependant, afin de travailler rapidement, il emploie ce dernier car il est plus réducteur. En effet, il est dit dans le bulletin de la S.F.P. du mois d’avril 1855 que l’action du pyrogallol est si forte qu’elle réduit même une plaque non exposée qui noircit alors très vite si on ne modère pas son action par de l’acide acétique. Or l’emploi de celui-ci se révèle rapidement être un échec à cause de sa cristallisation excessive. C’est pourquoi les photographes de l’époque entreprennent une recherche sur les acides à incorporer dans la formule. Ainsi, Gaillard recommande l’ajout d’acide citrique, Testud de Beauregard préconise l’acide citrique en plus de l’acide acétique, tandis que Victor Régnault vante les mérites de l’acide tartrique.
A partir de ce moment, les formules à bases de pyrogallol se diversifient, et son emploi se généralise.
En 1862, Major C. Russel introduit l’emploi de l’ammoniaque dans le révélateur au pyrogallol. Il démontre la supériorité du développement alcalin sur le développement acide employé jusqu’alors : l’ammoniaque en tant que composant alcalin du révélateur accélère énormément le temps de développement. Cependant, il favorise également l’oxydation du pyrogallol.
En 1863, Sir Sutton préconise l’emploi du carbonate de potassium à la place de l’ammoniaque, afin de limiter l’apparition du voile créé par ce dernier.
Puis, dans la seconde édition de son travail sur les plaques au collodion humide, Major C. Russel recommande de diluer du carbonate d’ammoniaque et du bromure de potassium avec du pyrogallol. Par la suite, les formules à base de pyrogallol ne vont cesser de se diversifier.
En 1865, V. Luynes et G. Esperandieu effectuent des expériences au laboratoire de recherche et de perfectionnement de la Faculté de Sciences de Paris. Un procédé complexe d’obtention du pyrogallol est alors mis au point. Il permet un rendement pratique quasiment égal au rendement théorique.
En 1880, Herbert B. Berkeley introduit le sulfite comme agent de préservation contre l’oxydation des révélateurs. Cette découverte est complétée par les travaux de Alphonse Seyewetz, parus en 1893 dans un bulletin de la S.F.P. Celui-ci préconise l’emploi d’un sulfite anhydre, inaltérable à l’air, contrairement au sulfite cristallisé généralement employé à cette époque. L’utilisation du sulfite permet un progrès considérable dans l’emploi et la conservation des révélateurs.
En 1881, Warnecke indique qu’un révélateur à base de pyrogallol et d’ammoniaque a la propriété de tanner la gélatine à l’endroit où se forme l’image argentique, lorsque celui-ci contient peu de sulfite.
A partir des années 1880, un certain nombre de développateurs apparaît. En 1880, W.W. Abney fait connaître l’usage de l’hydroquinone ; la pyrocatéchine est également désignée comme développateur par J.M. Eder et Toth. En 1888, les frères Lumière et Alphonse Seyewetz découvrent les propriétés de la para-phénylènediamine. En 1891, A. Bogisch met au point le génol.

 

Le succès du pyrogallol face aux autres développateur

Malgré l’apparition de ces nouveaux développateurs, le pyrogallol règne en maître. En effet, l’hydroquinone et le génol quoique plus simples d’emploi, donnent des résultats inférieurs « en finesse et délicatesse de détails » (7), et sont moins puissants que ce premier. Et même si l’hydroquinone se conserve mieux et plus longtemps, « il est fort difficile d’obtenir avec cette substance des images modelées dans les demi teintes claires ». « Les clichés obtenus présentent un empâtement dans les blancs donnant un aspect de dureté » (8). Les résultats satisfaisants sont très rares. Les révélateurs à base d’aminophénol se présentent sous forme de solution unique et ne peuvent se conserver en éléments séparés. Ils ne permettent pas de corriger les erreurs dues à l’appréciation du temps de pose comme l’on croit que le permet le pyrogallol. De plus, la qualité de l’eau utilisée a moins d’influence sur les propriétés du pyrogallol que sur les autres développateurs ; il est donc plus pratique en voyage. Ainsi, tant que des progrès ne sont pas faits en ce qui concerne l’utilisation de l’hydroquinone, le pyrogallol, plus puissant et alors mieux maîtrisé car connu depuis plus longtemps, prend le dessus : « Quoique nous servant suivant les cas de tous les procédés de développement, nous n’hésitons jamais à revenir au pyrogallique toutes les fois que nous avons un cliché important que nous tenons à ne pas manquer » (9).
En 1900, les développateurs utilisés sont : l’oxalate ferreux, le génol, l’ortol, l’hydroquinone, l’iconogène, le para-aminophénol, l’amidol, la glycine, l’hydramine, la pyrocatéchine. Malgré cette diversité, le pyrogallol considéré comme le plus « élastique » (10) des développateurs, demeure le favori de la majorité des photographes de l’époque : « il n’y en pas un qui me semble atteindre à la souplesse du développateur à l’acide pyrogallique, ni qui donne une image aussi belle, aussi détaillée, aussi harmonieuse, aussi finie, aussi propre à un excellent tirage sur papier » (11).

 

Les différentes formules de révélateurs à base de pyrogallol

Un peu avant 1900, l’ammoniaque associée au pyrogallol, préconisée par le Major C. Russel est petit à petit remplacée par le sulfite de soude et le carbonate de soude. Autour des années 1900, on peut trouver une multitude de formules de révélateurs à base de pyrogallol dans différents manuels et revues consacrés à la photographie. On peut, soit préparer entièrement le bain juste avant le développement, soit mélanger au dernier moment une solution pyrogallique et une solution alcaline préparées à l’avance. Le mode de développement est variable : soit on emploie un révélateur dont la quantité des composants est fixe, soit on pratique la méthode considérée à l’époque comme rationnelle et qui consiste à modifier le bain au cours du développement, à la demande du cliché.

Les formules qui reviennent le plus souvent sont composées de (12) :

Exemple : formule de Eastman

Eau 1000 cm3
Pyrogallol 4 g
Ammoniaque 6 g
Bromure d’ammonium 1 g

L’ammoniaque est ici le composé basique du révélateur. Il a été abandonné car il génère un voile important. De plus, il est impossible de connaître avec certitude le degré d’alcalinité du révélateur, à cause de la volatilité de l’ammoniaque. Il en résulte une non répétabilité du traitement.

La glycérine est un trialcool employé dans cette formule afin d’accélérer le développement.

 

L’alcool est utilisé ici car on pense qu’il contribue à une meilleure conservation du pyrogallol. Le sucre est un hydrate de carbone possédant des fonctions alcool et aldéhyde ou alcool et cétone dont la formule générale est Cn (H2O)n. Les sucres se comportent comme des développateurs lorsqu’ils sont en solution alcaline.

 

Le carbonate de potasse agit en tant que composé alcalin en plus de l’ammoniaque. Il doit générer une activité et une oxydation plus importantes du développateur.

 

L’introduction du sulfite limite la quantité de développateur oxydé dans le révélateur.

 

Exemple : formule de Eder

Eau 1000 cm3
Pyrogallol 4 g
Sulfite de soude 27 g
Carbonate de soude 13 g

Le carbonate de soude, moins actif que le carbonate de potasse, joue ici le rôle alcalin de l’ammoniaque. Cette formule ne contient aucun agent anti-voile.

 

Exemple : formule des frères Lumière et Alphonse Seyewetz (13)

Solution A   Solution B  
Eau 1000 cm3 Eau 1000 cm3
Pyrogallol 30 g Carbonate de soude anhydre 35 g
Bisulfite de soude 10 cm3 Sulfite de soude anhydre 75 g
    Bromure de potassium 5 g

10 cm3 de solution A + 20 cm3 de solution B + 90 cm3 d’eau

 

L’acide salicylique est employé à la place du sulfite, afin de favoriser la conservation du pyrogallol en solution aqueuse. Le sulfite est lui, incorporé à la seconde solution contenant l’alcalin. Les utilisateurs de cette formule confèrent également une action retardatrice à l’acide salicylique, limitant ainsi la formation de voile.

 

Le prussiate jaune ou ferrocyanure de potassium est employé à la place du bromure afin de limiter la formation de voile.

 

Le carbonate de lithine constitue une base très forte, ce qui favorise l’oxydation. Cette combinaison ainsi que la précédente présentent l’inconvénient de ne pas contenir d’agent anti-voile.

 

 

Pour chaque formule, on trouve plus d’une dizaine de combinaisons mêlant ces composants, chaque utilisateur faisant part de ses propres proportions. En effet, on pense que le révélateur au pyrogallol présente une grande souplesse et qu’il peut, par variation du dosage de ses constituants, rattraper les erreurs de pose. Dans les divers manuels de l’époque, on conseille d’augmenter la dose de l’un ou de l’autre des constituants selon l’apparition de l’image observée sous lumière inactinique durant le traitement. Ainsi, si la densité ne monte pas assez, on préconise l’ajout de carbonate de soude ; si ce n’est pas suffisant, on peut rajouter « une nouvelle cuillerée à moutarde d’acide pyrogallique » ; si la densité monte trop rapidement, on peut ajouter « 4 à 5 gouttes de bromure » (14). Par la suite, F. Hurter et V.C. Driffield ont montré que l’ajout et le rajout successif des différents constituants, notamment le bromure, améliorent l’image mais ne paramètrent pas parfaitement son apparition, et ne permettent pas d’obtenir le même résultat qu’avec un négatif bien exposé.
En plus de devoir faire varier la formule selon l’exposition, le photographe doit adapter la composition de son révélateur à la marque de plaque qu’il utilise. Vous trouverez en annexe deux tableaux extraits de manuels de l’époque, contenant les formules à appliquer suivant le type de plaques employé.

 

Les raisons de l’abandon du pyrogallol

Les difficultés d’utilisation

L’utilisation du pyrogallol est compliquée et demande une pratique et un acharnement tels que l’on peut lire dans le bulletin de la S.F.P. de février 1885 : « tant d’indications ont paru une sorte de dédale, dans lequel beaucoup ont craint de s’égarer et, (…), la plupart des praticiens ont éprouvé des difficultés, des déboires tels, qu’ils ont dû renoncer à une étude dont ils n’ont connu que l’aridité ». La difficulté de mise en pratique est telle qu’en 1925, Eugène Pitois ne se donne même pas la peine de proposer une formule au pyrogallol lorsqu’il présente les divers révélateurs en usage : « Les révélateurs à l’acide pyrogallique font le bonheur des théoriciens et amateurs de formules, qui ont pris ce malheureux produit comme ingrédient type, pour faire perdre leur temps aux débutants, en leur montrant la possibilité de merveilleux assaisonnements, qui m’apparaissent un peu comme les cocktails américains de la photographie. (…). Ayant abandonné ces cuisinages compliqués et ces tripatouillages continuels du bain en cours d’opération, je ne donnerai aucune des formules classiques à l’acide pyrogallique » (15).

L’oxydation

Un des principaux défauts du pyrogallol est son oxydation excessive, formant sur la gélatine une image secondaire jaune en plus des quelques taches dues à la manière d’appliquer le traitement (le mélange des produits se fait en présence de la plaque à développer). Ce défaut perdure malgré l’apparition du sulfite dans les formules dès 1880. C’est pourquoi, à coté des diverses formules de développement au pyrogallol, on voit systématiquement apparaître une formule permettant d’ôter la teinte jaune du négatif. En voici quelques exemples :

On reproche également au pyrogallol de jaunir les doigts et les ongles. A cet effet, on trouve également des formules de bain nettoyant telle que, par exemple, celle extraite du formulaire classeur du Photoclub de Paris (19) :

Eau 1000 cm3
Acide chlorhydrique 180 g
Acide oxalique 50 g
Acide phosphorique 50g


L’oxydation est la raison principale de l’abandon du pyrogallol. En plus de l’image secondaire qu’elle génère durant le développement, considérée comme étant particulièrement gênante lors du tirage, elle limite la conservation du révélateur constitué même lorsque celui-ci est fabriqué en solutions séparées

La toxicité

Le défaut le moins mentionné à cette époque et le plus grave du pyrogallol est sa forte toxicité. Il est extrêmement rare de voir figurer les précautions à prendre lors de l’utilisation de ce produit dans les manuels de photographie d’alors. Et pourtant à Londres, en 1882, on qualifie de « maladie spéciale du laboratoire obscur » les ampoules apparues sur tout le corps à la suite d’un contact de la peau des mains avec du pyrogallol. On pense alors que l’on peut guérir facilement « cet accident par des applications de lanoline » (20). Or, on connaît à présent toutes les séquelles que le contact avec ce produit peut entraîner.
On peut également lire dans le numéro 1707 de Photography news de 1891 : « M Tweedy est mort en trois jours malgré des soins immédiats, pour avoir bu, par erreur, un verre de liquide pyrogallique préparé pour le développement ».

Ainsi, à cause de la complexité de mise en œuvre du pyrogallol entraînant souvent une non répétabilité des résultats, et suite à son oxydation excessive provoquant un jaunissement et des taches sur le négatif et la peau, les photographes amateurs, suivis des plus expérimentés, abandonnent petit à petit ce produit au profit des révélateurs à base de développateurs tels que l’hydroquinone et le génol dont les formules ont été améliorées. Il semble que le déclin débute aux alentours de 1910. A partir de ce moment, les recherches concernant le perfectionnement des formules au pyrogallol cessent.
Au début du siècle, le pyrogallol est utilisé de manière exclusive dans le contrôle de la production, la recherche et les mesures sensitométriques car il est le développateur le plus utilisé en pratique. Mais on se montre peu disposé à adopter une formule au pyrogallol en tant que standard officiel en sensitométrie à cause de la production d’une image secondaire et de sa grande sensibilité aux variations de concentration des produits qui la composent. En 1926, au 6ème congrès international de photographie, S.E. Sheppard (Directeur du département Chimie et Physique de Kodak à Rochester de 1913 à 1947) propose une formule au para-aminophénol qui ne présente aucun des défauts des révélateurs au pyrogallol ; au 8ème Congrès International de la Photographie, cette formule est adoptée comme révélateur standard pour les travaux scientifiques en sensitométrie.

 

Les utilisateurs de pyrogallol après son abandon

Malgré l’abandon du pyrogallol par la majorité, certains photographes voulant bénéficier de ses qualités continuent de l’utiliser. C’est notamment le cas d’Edward Weston et de ses enfants. Tout au long de sa carrière, Edward Weston développe ses négatifs dans la formule ABC Pyro de Kodak :

Solution A  
Eau 32 oz (21)
Bisulfite de sodium ¼ oz + 35 grains (=144 grains)
Pyrogallol 2 oz
Bromure de potassium 16 grains

Solution B   Solution C  
Eau 32 oz Eau 32 oz

Sulfite de sodium
3 ½ oz Carbonate de sodium(mono-hydraté) 2 ½ oz
       
       

à 70°F A + B + C + 10 oz eau (A est ajouté à la dernière minute)


Edward Weston agite de manière continue et opère sous lumière verte afin de contrôler l’évolution de ses images. Il préfère développer durant 15 à 20 minutes l’Isopan d’Agfa exposé à 12 ISO dans un révélateur plus dilué où il remplace B + C par 1/3 B + 1/3 C. Il obtient ainsi « une extension de l’échelle des valeurs » (22). Il ne traite ensemble que des négatifs présentant le même niveau de densité.
Edward Weston transmet la formule à son fils Cole en 1943. Ce dernier l’utilise sur les films Plus X, Tri X et Super XX en remplaçant l’eau distillée qu’utilisait son père par de l’eau du robinet.
La formule utilisée par Weston produit une oxydation difficilement contrôlable. En effet, malgré la présence en quantité importante de sulfite dans le révélateur, la forte basicité du bain rend inconstante l’apparition de l’image secondaire.
Ansel Adams évoque (23) également, en 1948, l’utilisation de pyrogallol et de pyrocatéchine auxquels il reconnaît de grandes qualités malgré les difficultés de mise en pratique qu’ils entraînent.

 

Le pyrogallol aujourd’hui

De nos jours, il subsiste quelques utilisateurs de pyrogallol, passionnés de photographie noir et blanc. En 1991, Gordon Hutchings publie (24) les travaux qu’il mène depuis 10 ans sur le pyrogallol et notamment la formule qu’il a mise au point et qui porte le nom de PMK, pour Pyrogallol, Metol, Kodalk (25) :

Solution A   Solution B  

Eau distillée
400 cm3 Eau distillée 700 cm3
Génol 5 g Métaborate de sodium 300 g
Bisulfite de sodium 10 g Eau pour faire 1000 cm3
Pyrogallol 50 g    
Eau pour faire 500 cm3    

A + 2B + 100 eau à 20°C (le mélange se fait au dernier moment).


Gordon Hutchings a volontairement mis au point une formule qui produit une forte oxydation du négatif afin d’exploiter les formidables caractéristiques de tirage que lui confère sa teinte jaune. Il évoque l’impact sur la restitution des hautes lumières que présente le tirage du négatif oxydé sur un papier à grade variable.
Sur Internet, les utilisateurs de pyrogallol échangent des informations. Il semble que la majorité d’entre eux utilisent le PMK, devenu une référence. D’autres, beaucoup moins nombreux, emploient l’ABC de Kodak. Quelque soit la formule, ils ne tarissent pas d’éloges sur les négatifs obtenus.

 

Le tirage des négatifs développés au pyrogallol

Le fonctionnement du papier à grade variable par action chromatique est énoncé par K. Fisher, en 1912. Ce principe est de nouveau étudié par R. Risson en 1935, puis mis au point par F. F. Renwick en 1937. Et il semble que parallèlement à ces découvertes, aucune mention n’est faite, excepté dans le livre de Gordon Hutchings, des avantages du tirage des négatifs oxydés sur papier à grade variable. Dans quelques manuels datant du début du siècle, on peut cependant lire des remarques quant à l’influence de la teinte jaune lors du tirage des négatifs développés au pyrogallol. Ainsi, certains photographes pensent que les épreuves obtenues à partir de négatifs colorés sont souvent préférables à celles provenant d’un cliché ne présentant pas cette coloration ; cette dernière « est même très avantageuse pour améliorer certains clichés manquant de pose » (26). D’autres, au contraire, pensent que cette teinte inactinique ne fait rien de plus que rallonger le temps d’exposition au tirage et qu’il n’est, par conséquent, pas nécessaire de s’en débarrasser. D’autres, plus nombreux, estiment que cette teinte présente un inconvénient majeur et tentent de l’ôter systématiquement.

 

(1) Legray Gustave, Traité pratique de photographie sur papier et sur verre, Germer Baillière, Paris 1850, p 12. retour au texte

(2) L’acide pyrogallique est le terme impropre employé à l’époque pour désigner le pyrogallol. En effet, le pyrogallol est un triphénol, et non un acide. retour au texte

(3) Formule issue d’un article du bulletin de la S.F.P. de décembre 1865 : « Sur la préparation et quelques propriétés de l’acide pyrogallique » de V. Luynes et G. Esperandieu. retour au texte

(4) Article du bulletin de la S.F.P. de décembre 1865 : « Sur la préparation et quelques propriétés de l’acide pyrogallique » de V. Luynes et G. Esperandieu. retour au texte

(5) Baldus Edouard, Mémoire déposé au secrétariat de la société d’encouragement pour l’industrie nationale contenant les procédés à l’aide desquels les principaux monuments historiques du Midi de la France ont été reproduits par ordre du ministre de l’intérieur, Victor Masson, Paris 1852, p. 20. retour au texte

(6) 1 grain = 0,0647 g et 1 once = 28,4 cm3. retour au texte

(7) Photo-revue (15 avril 1895-15 avril 1896) parue aux éditions Charles Mendel à Paris. retour au texte

(8) Lumière Auguste et Louis, La photographie, développement et tirage, Charaire, Sceaux 1906, p 54. retour au texte

(9) Londe Albert, Traité pratique du développement, Gauthier Villars, Paris 1904, p 42. retour au texte

(10) Terme caractérisant le pyrogallol de manière systématique dans la majorité des manuels de photographie parus à la fin du XIXème et au début du XXème siècle. retour au texte

(11) Dillaye Frédéric, Le développement en photographie, J. Tallandier, Paris 1899, p 165. retour au texte

(12) Les formules qui suivent sont extraites de Formules photographiques de Abel Buguet, Bibliothèque générale de photographie, Paris 1904, p 48-52 ; exceptée la formule des frères Lumière et A. Seyewetz. retour au texte

(13) Lumière A. et L. et Seyewetz A. , « Sur un mode de développement à l’acide pyrogallique permettant de corriger la surexposition et la sous-exposition », revue trimestrielle des travaux de recherche effectués dans les laboratoires photographiques dirigés par Auguste et Louis Lumière, (société anonyme des plaques et papiers photographiques à Lyon), mars 1909, p 12-15. retour au texte

(14) Mathet L. , Etude complète sur le développement et les développateurs, Société générale d’édition, Paris 1892, p 25. retour au texte

(15) Pitois E. , La photographie, Delagrave, Paris 1925, p 34. retour au texte

(16) Niewenglowski G.H. , Dictionnaire photographique, Charles Mendel, Paris 1895, p 191. retour au texte

(17) Eder J.M. , Formules recettes et tables pour la photographies et les procédés de reproduction, Gauthier Villars, Paris 1900, p 48. retour au texte

(18) Londe Albert, Traité pratique du développement, Gauthier Villars, Paris 1904, p 46. retour au texte

(19) Londe Albert, Traité pratique du développement, Gauthier Villars, Paris 1904, p 53. retour au texte

(20) Mathet L. , Traité de chimie photographique, Charles Mendel, Paris 1913. retour au texte

(21) 1 grain = 0,0647 g et 1 once = 28,4 cm3. retour au texte

(22) Collectif dont Cole Weston, Darkroom 2, Lustrum Press, New York 1978, p 52. retour au texte

(23) Adams Ansel, The negative : exposure and developpement, Morgan and Lester, New York, 1948. retour au texte

(24) Hutchings Gordon, The book of pyro, Ralph Talbert, Granite Bay Californie, 1991. retour au texte

(25) Kodalk est le nom du métaborate de sodium commercialisé par Kodak. retour au texte

(26) Londe Albert, Traité pratique du développement, Gauthier Villars, Paris 1904, p 58. retour au texte

 

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